La victoire de Samothrace

La victoire de Samothrace

la-victoire-de-samothraceTrès tôt en Grèce, la représentation de la victoire a été personnifiée sous les traits d’une déesse ailée, descendant sur terre pour faire honneur au vainqueur. Fidèle à cet esprit, le monument érigé dans le sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace au début du 2e siècle av. J.-C. représente une Victoire se posant sur l’avant d’un navire de guerre, pour commémorer sans doute une victoire navale. Par la virtuosité de sa sculpture et par l’ingéniosité de sa construction ce monument est un chef-d’oeuvre inégalé de la sculpture grecque d’époque hellénistique.

Le pied droit touchant à peine le pont du navire, la Victoire est saisie à la fin de son vol, les ailes encore déployées, les vêtements tourbillonnant au vent. La déesse faisait un geste de salut victorieux, levant le bras droit un peu plié, la main ouverte paume vers l’avant (exposée près de la statue). Du bras gauche abaissé, elle tenait peut-être un attribut – par exemple une sorte de mât (stylis) prélevé sur le bateau vaincu, comme on le voit sur des monnaies hellénistiques montrant une Victoire sur la proue du navire vainqueur.
La base de la statue représente donc l’avant d’un navire de guerre, reconnaissable à ses caisses de rames en saillie de chaque côté : elles supportaient deux rangs de rames, dont on voit les sabords de nage.

Les Grands Dieux de Samothrace, appelés aussi Cabires, étaient des dieux très anciens, d’origine anatolienne, dont le culte à mystères existait dans l’île avant même l’arrivée des Grecs. À partir du 4e siècle av. J.-C., sous l’impulsion des rois de Macédoine, le sanctuaire rayonne dans tout le monde grec, surtout en Asie Mineure. Les offrandes, des plus humbles aux plus somptueuses, se multiplient pour honorer et remercier ces dieux bienfaisants, qui pouvaient sauver du naufrage les initiés à leurs mystères ou les aider à remporter le combat.
C’est dans ce contexte que fut dédié le monument de la Victoire, à une époque où les batailles navales se succèdent entre les différentes puissances qui cherchaient alors à dominer la partie orientale de la Méditerranée. Les plus souvent évoquées sont les batailles de Sidè et Myonnisos (sur les côtes d’Asie Mineure) en 190 et 189 av. J.-C., après lesquelles le royaume de Pergame, allié aux Rhodiens et aux Romains, triompha de ses ennemis traditionnels, les royaumes d’Antioche et de Macédoine. Mais l’inscription de dédicace n’ayant pas été retrouvée, cela reste une hypothèse. Quoi qu’il en soit, il est certain que la base en forme de navire en marbre de Lartos provient d’un atelier de Rhodes, d’où elle fut envoyée à Samothrace ; quant à la statue, elle a pu être sculptée à Samothrace même par un artiste originaire d’Asie mineure ou du Dodécannèse, appelé ensuite à travailler au projet de la frise du Grand Autel de Pergame.


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