Le Gorille

Le Gorille

Alors qu’il se trouve à Basdorf en 1943 pour le STO (Service du Travail Obligatoire), Georges Brassens ne se laisse pas dépiter : pour distraire ses compatriotes, prisonniers eux aussi, il compose des chansons. Parmi celle-ci figure La Ligne Brisée, une première ébauche dont le refrain est déjà « Gare au gorille » ; il la renommera Gorille vendetta, avant de la compléter et de l’intituler simplement Le gorille. La chanson Le gorille est parsemée d’images-choc, considérées comme scandaleuses pour l’époque : de bonnes bourgeoises lorgnent le sexe d’un gorille (!) qui, s’échappant, désire aussitôt violer quiconque se trouverait sur son passage (!), et assouvira enfin son appétit sexuel… grâce à un juge (!). Cette finale, où un juge ayant sommairement condamné un homme est sodomisé, illustre bien la position du chanteur : il se déclare farouchement contre la peine de mort et ses partisans. À titre anecdotique, la peine de mort ne sera d’ailleurs abolie en France que peu de temps avant la propre mort de Brassens.

Mais les chansons allant à l’encontre la « bonne morale » ne sont guère prisées par la bourgeoisie traditionnelle et bien-pensante. La maison Philips est réticente à la graver sur disque ; Jacques Canetti la fera enregistrer à Brassens avec Polydor (appartenant à Philips) et la diffuse d’abord en Suisse.

Le public n’est pourtant pas jugé prêt à l’entendre en France ; la RTF (Radiodiffusion-Télévision-Française) l’interdit en 1952, Europe 1 ne la diffusera qu’en 1955. Cependant, même frappée d’interdiction, Le gorilledevient in petto l’exutoire de la jeunesse ; c’est elle d’ailleurs qui constituera le premier public de Georges Brassens.


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